Communications dans les sessions thématiques ouvertes > #15 Economie circulaire forte : gouvernance, compétences et justice sociale pour un passage à l'échelle durable

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Aggeri Franck : franck.aggeri@minesparis.psl.eu

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Micheaux Helen : helen.micheaux@agroparistech.fr

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Résumé

L’économie circulaire (EC), apparue dans les années 2010, est présentée comme un modèle plus durable combinant création de valeur, soutenabilité écologique et emplois locaux. Cependant, les pratiques actuelles se concentrent sur le recyclage et l’optimisation des processus, plutôt que sur une transformation profonde des modèles de production et de consommation. Cette approche, qualifiée de circularité faible, ne remet pas en cause la logique linéaire de croissance et peine à s’imposer à l’échelle macroéconomique. Face à cela, une littérature critique appelle à une circularité forte, axée sur la sobriété, la réduction des flux de matière et d’énergie, et la diminution des besoins matériels. Toutefois, cette approche se heurte aux impératifs de rentabilité des entreprises capitalistes et aux pressions actionnariales qui favorisent le court-termisme. Pour dépasser ces blocages, la gouvernance d’entreprise et les politiques publiques apparaissent comme des leviers clés. Une gouvernance plus démocratique, impliquant les parties prenantes, notamment les salariés, pourrait favoriser une orientation vers des objectifs de long terme. De plus, la dimension sociale de l’EC est encore marginale, avec des risques d’inégalités et de précarisation des emplois. L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) est envisagée comme un modèle pertinent pour concilier impératifs écologiques et sociaux grâce à une gouvernance plus inclusive. D’autres formes organisationnelles, comme les entreprises familiales et les entreprises à mission, pourraient aussi jouer un rôle. Cette session thématique vise à explorer les conditions nécessaires au déploiement d’une EC forte. Plusieurs axes seront abordés, notamment les modèles d’affaires circulaires, le rôle des politiques publiques et des instruments de gestion, les modèles de gouvernance, l’impact sur l’emploi et les compétences, ainsi que la justice sociale et les dynamiques territoriales. L’objectif est d’identifier des leviers concrets pour une transition réussie vers un modèle économique véritablement durable.

Mots clés

Sobriété, modèle d’affaires circulaires, politique publique, instruments de gestion, économie sociale et solidaire

Cadrage et objectif de la session

Le concept d’économie circulaire (EC), mis en avant dès les années 2010, est présenté comme une voie vers des modèles économiques plus durables, combinant création de valeur, soutenabilité écologique et emplois non délocalisables (Geissdoerfer et al., 2017). Cependant, les critiques soulignent que, malgré la priorité théorique accordée à la réduction des déchets via le réemploi, la réparation ou le reconditionnement, les pratiques d’entreprise se concentrent principalement sur le recyclage et l’optimisation des processus de production. Cette approche, qualifiée de circularitéfaible, repose sur des expérimentations locales limitées, souvent réduites à des stratégies d’optimisation des coûts, sans remise en cause des logiques linéaires axées sur la croissance des volumes de vente (Bocken et Short, 2021 ; Aggeri et al., 2023).

Ainsi, le degré de circularité reste faible et recule à l’échelle macroéconomique (Circle Economy, 2023). Face à ce constat, une littérature critique appelle à une économie circulaire forte, fondée sur la sobriété, la réduction des flux de matière et d’énergie, et la diminution des besoins matériels (Bocken et Short, 2016 ; Geissdoerfer et al., 2017 ; Guillard, 2019 ; Bocken et Short, 2020 ; Aggeri et al., 2023 ; Bocken et al. 2023 ; Nesterova et Buch-Hansen, 2023 ; Vanhuyse, 2024 ; Bergmann et al., 2024).  Cependant, une interrogation centrale demeure : ces stratégies de sobriété peuvent-elles coexister avec les modèles d’entreprises capitalistes, intrinsèquement axés sur la croissance économique (Bruckner, 2024 ; Nesterova et Buch-Hansen, 2023 ; Bawens, 2021 ; Arnsperger et Bourg, 2017 ; Latouche, 2019) ? La pression des actionnaires favorise une logique court-termiste, limitant l’intégration des principes de justice sociale et de préservation des ressources (Eynaud et de França Filho, 2019) essentiels à l’émergence d’une circularité forte.

Dans cette perspective, la gouvernance d’entreprise, aux côtés des politiques publiques, apparaissent comme des leviers déterminants pour aligner décisions stratégiques et objectifs de durabilité (Ferreras et al., 2020). Une transformation des structures décisionnelles vers une démocratisation de la gouvernance, impliquant une plus grande participation des parties prenantes, notamment les salariés, et un ancrage territorial renforcé, semblerait constituer un élément clé pour orienter les entreprises vers des objectifs de long terme (Ferreras, 2023). Plus largement, la dimension sociale, encore marginalisée, constitue une lacune des approches actuelles de l’EC (Campagnaro et D’Urzo, 2021 ; Valencia et al., 2023). Le risque est l’accentuation des inégalités et la précarisation de certains emplois (Ziegler et al, 2023a ; Rogers et al., 2024 ; Doldan, 2024), malgré les opportunités de transformation des conditions de travail qu’offre la transition écologique.

Face à ces constats, il paraît utile d’explorer des formes alternatives de gouvernance, capables d’intégrer simultanément les impératifs écologiques et sociaux. L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) se distingue comme un cadre pertinent, grâce à sa gouvernance démocratique et à sa primauté des objectifs sociaux sur la maximisation des profits (Eynaud et Laurent, 2017 ; Bellemare et al., 2022 ; Ziegler et al, 2023a ; Ziegler et al. 2023b ; Villalba-Eguiluz et al., 2023 ; Rousselière et al., 2024 ; Van Opstal et al., 2025). D’autres formes organisationnelles, comme les entreprises familiales et les entreprises à mission, peuvent également favoriser l’intégration d’objectifs de long terme et une plus grande inclusion des parties prenantes (Le Breton-Miller et Miller, 2006 ; Levillain, 2015 ; Lumpkin et Bacq, 2022 ; Rovelli et al., 2022 ; Aparicio et Iturralde, 2023 ; Read, 2024 ; Rijsdijk et van Stam, 2024).

Cette session thématique interrogera les conditions nécessaires au passage à l’échelle de l’EC forte (Niessen et Bocken, 2021 ; Beulque et al., 2023b), en explorant les enjeux de création et de répartition de la valeur, les modèles de gouvernance adaptés, et l’intégration des dimensions sociales dans les stratégies de transformation économique. Elle visera également à analyser le rôle des politiques publiques (Bergmann et al., 2024), des instruments de gestion (Saidani et al., 2019) et des dynamiques territoriales (Konietzko et al., 2020 ; Beulque et al., 2023a) pour accompagner cette transition.

Nous serions ravis de recevoir toute proposition sur les thématiques suivantes liées à l’EC (non exhaustif) :

Modèles d’affaires circulaires et sobriété

  • Quels sont les freins et leviers au passage à l’échelle des modèles d’affaires de l’EC forte ?
  • Quel rôle jouent les instruments de gestion ?
  • Comment développer des indicateurs de performance qui valorisent la sobriété ?

Rôle des politiques publiques

  • Quels  instruments  de  politique  publique  et  comment  adapter  ceux  existants  pour favoriser la montée en puissance de l’EC forte ?
  • Quelle place pour les politiques de relocalisation et de réindustrialisation durable ?

Modèles de gouvernance

  • Quels modèles de gouvernance pour favoriser la transition ?
  • Comment les entreprises, dans un contexte de pressions financières, peuvent-elles intégrer des logiques de long terme ?
  • Quels  rôles  jouent  les  entreprises  à  mission,  familiales  ou  de  l’ESS  ainsi  que  la coopération et la solidarité entre acteurs dans la transition ?

Démocratisation de la gouvernance

  • Quels sont les impacts d’une gouvernance participative et inclusive sur l’adoption de pratiques circulaires et quelles sont les conditions pour des effets durables ?
  • Quelle forme de démocratisation peut favoriser un engagement durable des entreprises ?
  • Quelles sont les expériences réussies de démocratisation en entreprise, quels sont les effets et quels enseignements en tirer ?

Emplois et compétences

  • Quels  sont  les  freins  en  termes  de  compétences  et  les  modèles  innovants  pour développer les métiers circulaires de demain ?
  • Comment la transition transforme-t-elle les emplois et les compétences, et quelles implications pour les acteurs ?
  • Quelle place pour la « circularité » des emplois, au regard du développement de la pluriactivité et de l’"écologisation" du sens du/au travail ?

Justice sociale et conditions de travail

  • Comment garantir la prise en compte de la dimension sociale, notamment la répartition équitable de la valeur et la qualité des conditions de travail ?
  • Quelles  relations  entre  entreprises  traditionnelles  et  acteurs  de  l’ESS  ?  Comment assurer la pérennité des activités de ces derniers ?

Dynamiques territoriales

  • Quels rôles jouent les collectivités et écosystèmes territoriaux dans l’émergence et le développement de pratiques de circularité forte ?
  • Quels sont les processus de création et de gouvernance de ces écosystèmes ?
  • Comment favoriser la mise en réseau des acteurs de l’EC à différentes échelles ?

Références

-   Aggeri, F., Beulque, R., Micheaux, H. (2023). L’économie Circulaire. La Découverte, Paris,Collection « Repères ».

-   Aparicio, G., & Iturralde, T. (2023). New Research trends in sustainability in family businesses: A bibliometric literature review. European Journal of Family Business, 13(1), 36- 55.

-   Arnsperger C. et Bourg D. (2017). Écologie intégrale. Pour une société permacirculaire, PUF, Paris.

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-  Ellemare, M-  , Martin-Déry, S,   iegler,   , Vézina, M, Raufflet, E, & Walsh, A. Synergizing Social Economy and Circular Economy (2022). Canadian Journal of Nonprofit and Social Economy Research 13(1), 106–110. doi:10.29173/cjnser591

-  Bergmann, M., Ntsondé, J., Beulque, R., Micheaux, H. (2024). Business models for strong circularity - the role of informative policy instruments promoting repair. Business Strategy and the Environment.

-  Beulque, R., Micheaux, H., Ntsonde, J., & Teulon, H. (2023a). De la genèse à la création de valeur, processus et conditions d'émergence d'un écosystème territorial rural. Revue française de gestion, 49(311), 75-94.

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-  Konietzko, J., Bocken, N., & Hultink, E. J. (2020). Circular ecosystem innovation: An initial set of principles. Journal of Cleaner Production, 253, 119942

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-   Ziegler, R., Bauwens, T., Roy, M.J., Teasdale, S., Fourrier, A., Raufflet, E. (2023a). Embedding circularity: Theorizing the social economy, its potential, and its challenges. Ecol. Econ. 214.

-    Ziegler, R.; Poirier, C.; Lacasse, M.; Murray, E. (2023b). Circular Economy and Cooperatives—An Exploratory Survey. Sustainability,15,2530. https://doi.org/ 10.3390/su15032530

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