Communications dans les sessions thématiques ouvertes > #8 Vers une gestion alternative pour l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) : enjeux et pratiques pour incarner les transitions socio-environnementales

Contact pour soumission de communication

Cortambert Lucie : lcortambert@univ-catholyon.fr

Demeyère Caroline : caroline.demeyere@uclouvain.be

Havet-Laurent Stéphanie : shavetlaurent@inseec.com

Kleszczowski Julien : julien.kleszczowski@univ-lille.fr

Laurent Adrien : adrien.laurent@dauphine.psl.eu

Saniossian Jennifer : jennifer.saniossian@univ-st-etienne.fr

Cadrage et objectif de la session

Cette session proposée dans le cadre du GT-ESS du RIODD accueille des travaux sur la transition socio-écologique dans et par l'Économie sociale et solidaire (ESS). L’ESS est définie comme un ensemble d’organisations diverses fondées sur une finalité sociale ou collective, une activité économique au service de sa finalité et des principes de gouvernance démocratique. Au-delà de statuts particuliers (associations, coopératives, mutuelles, fondations et sociétés commerciales de l’ESS), nous incluons également les initiatives informelles (collectifs, mouvements sociaux, réseaux collectifs territoriaux, etc.) s’inscrivant dans les principes de l’ESS comme projet politique et une économie substantive fondée sur le travail et le bien vivre (Laville, 2018).

Face à la nécessité d’un changement profond du système économique actuel destructeur pour la planète et d’une « société du mépris » (Honneth, 2008) génératrice d’inégalités sociales, l’ESS apparaît comme une voie alternative, visant le réencastrement des sphères économique, sociale et environnementale (Polanyi, 1944 ; Laville, 2019). Elle constitue une utopie réelle (Wright, 2020) dans laquelle peut être préfigurée et organisée en pratique une alternative à un système capitaliste insoutenable (Shanahan, 2024). L’ESS manifeste ainsi un espace pour définir les voies d’une transition juste, articulant volets écologique, économique et social. Elle permet d’instituer les arrangements collectifs concourant à l’acceptation sociale de cette transformation : participation et renforcement de la démocratie au sein de groupes d’action collective et de territoires, réduction des inégalités, reconfiguration des besoins sociaux permettant de dépasser les seuls biens matériels (Draperi, 2011 ; Gardin et Jany-Catrice, 2016). Les acteurs et organisations de l’ESS se font ainsi moteurs des innovations sociales et de leur essaimage sur le territoire (Béji-Bécheur et al., 2021 ; Chabaud, Eynaud et Raulet-Croset, 2024).

Malgré ce rôle clef dans l’organisation des transitions, l’ESS doit composer avec des contextes institutionnels souvent hostiles et la complexité inhérente à leurs modèles socio-économiques hybrides (Combes-Joret et Lethielleux, 2014 ; Michaud, 2014 ; Château-Terrisse, 2012 ; Lethielleux et Valéau, 2023).  Les acteurs et organisations de l’ESS sont amenés à développer des pratiques de gestion pour organiser l’action collective solidaire (Vercher et al., 2016 ; Laville, 2009). Pourtant, les dispositifs et outils de gestion mobilisés sont souvent mal adaptés aux spécificités de ces organisations et à leur diversité (Rousseau, 2007 ; Codello-Guijarro et Béji-Bécheur, 2015 ; Maisonnasse et al., 2019). De nombreux travaux ont souligné le risque de dévoiement de la mission et du projet politique de l’ESS (Eynaud & Mourey, 2012) par l’importation croissante de dispositifs de gestion marchande, d’une rationalité instrumentale, de référentiels entrepreneuriaux et de normes néolibérales de professionnalisation (Cottin-Marx, 2019). Les financeurs publics (Garaudel et al., 2022), soutiennent la managérialisation de l’ESS, qui impose aux acteurs des cadres et des catégories d’action calquées sur la gestion des firmes privées capitalistes, comme l’évaluation de la performance et de l’impact social, la formalisation de manières de rendre compte de leurs résultats (Avare et Sponem, 2008 ; Kleszczowski & Raulet-Croset, 2022). Or l’ESS a des spécificités qui appellent à imaginer des pratiques organisationnelles, des dispositifs et outils de gestion propres. On pense ici notamment à la participation et la coopération inter-organisationnelle (Saniossian et al., 2022 ; Laurent et al., 2020), la gouvernance démocratique et multi-parties prenantes (Maignan et al., 2018), l’engagement des travailleurs et travailleuses (Valéau, 2013) ; l’implication des bénévoles (Cousineau et Damart, 2017; Cortambert et Havet-Laurent, 2024), l’acquisition de ressources financières non marchandes et de ressources non monétaires (Bocquet et al., 2020), ou encore les systèmes d’évaluation d’objectifs et de pratiques spécifiques (Chemin et Gilbert, 2010 ; Kleszczowski & Raulet-Croset, 2025). La contribution de l’ESS à la transformation de la société implique donc une gestion alternative, plurielle et solidaire de ses organisations  (Vercher et al., 2016 ; Eynaud etFrança Filho, 2019 ; Glémain, 2020 ; Lallemand-Stempak et Eynaud, 2022 ; Demeyère et al., 2024).

Face à ces enjeux et défis, cette session thématique accueille des contributions théoriques, méthodologiques et/ou empirique de chercheur-se-s et de praticien-ne-s de l’ESS s’adressant (1) au rôle de l’ESS et de ses organisations diverses dans la transition socio-écologique et (2) aux pratiques organisationnelles, inter-organisationnelles et territoriales, ainsi qu’aux dispositifs de gestion et de gouvernance habilitant ce rôle. Elles pourront concerner les thématiques suivantes (la liste n’étant ni exhaustive, ni limitative) :

• Les positionnements politiques des organisations de l’ESS,
• Les stratégies et dispositifs permettant de concilier des logiques hybrides au sein des organisations de l’ESS,
• Les motivations spécifiques des bénévoles et citoyens permettant d’imaginer des pratiques alternatives de gestion dans les organisations de l’ESS,
• Les modalités organisationnelles d’émergence mais aussi de généralisation de projets d’innovation sociale au sein des organisations de l’ESS,
• Les pratiques de participation dans le management des organisations de l’ESS,
• La gestion des coopérations inter-organisationnelles et de mise en réseau des organisations de l’ESS,
• Les modalités d’action des organisations de l’ESS en faveur des transitions socio-environnementales.

Références

Avare, P., & Sponem, S. (2008). Le managérialisme et les associations. In C. Hoarau & J.-L. Laville, La gouvernance des associations, économie, sociologie, gestion. Erès.

Béji-Bécheur, A., Vidaillet, B., & Hildwein, F. (2021). Organisons l’alternative ! Pratiques de gestion pour une transition écologique et sociale (1ère édition). Éditions EMS.

Bidet, É. (2003). L’insoutenable grand écart de l’économie sociale Isomorphisme institutionnel et économie solidaire. Revue du MAUSS, 21(1), 162-178.

Bocquet, R., Cotterlaz-Rannard, G., & Ferrary, M. (2020). How do NPOs get funding? A business model perspective based on the conversion of symbolic capital. Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly, 49(6), 1233-1258.

Chabaud, D., Eynaud, P., & Raulet-Croset, N. (2024). La réinvention des territoires par la solidarité (Vol. 1). ISTE Group.

Château-Terrisse, P. (2012). Le dispositif de gestion des organisations hybrides, régulateur de logiques institutionnelles hétérogènes ? Le cas du capital-risque solidaire. Management et Avenir, n° 54(4), 145-167.

Chemin, C., & Gilbert, P. (2010). L’évaluation de la performance, analyseur de la gouvernance associative. Politiques et management public, 27(1), 55-78.

Codello-Guijarro, P. & Béji-Bécheur, A. (2015). Les entreprises sociales et solidaires à l’épreuve des outils de gestion. Revue française de gestion, 246, 103-109.

Cottin-Marx, S. (2019). Gouverner par l’accompagnement. Quand l’État professionnalise les associations employeuses. Marché et organisations, 36(3), 135-151.

Combes-Joret, M. & Lethielleux, L. (2014). La soutenabilité du modèle économique dual de la Croix-Rouge Française en question. RIMHE : Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise, 11,3, 52-72.

Cousineau, M., & Damart, S. (2017). Le management des bénévoles, entre outils et valeurs-Une approche par les paradoxes. Revue française de gestion, 43(262), 19-36.

Cortambert, L., & Havet-Laurent, S. (2024). Tu dînes après le concert ? Un éclairage sur les coulisses du bénévolat. Revue de l’organisation responsable, 19(3), 47-62.

Dacheux, É., & Laville, J.-L. (2003). Economie solidaire et démocratie—Introduction. Hermès, La Revue, 36(2), 9‑17.

De Gaulejac, V. (2006). La société malade de la gestion. Revue française de gestion, 2, 161-169.

Draperi, J. F. (2011). L'économie sociale et solidaire, une réponse à la crise?: Capitalisme, territoires et démocratie. Dunod.

Demeyère, C., Cortambert, L., Havet-Laurent, S., & Eynaud, P. (2024). Quand la gestion pense la solidarité. Revue Française de Gestion, 50(317), 51‑66.

Eynaud, P., & França Filho, G. C. de F. (2019). Solidarité et organisation : Penser une autre gestion. ERES.

Eynaud, P., & Mourey, D. (2012). Professionnalisation et identité des associations du secteur social : chronique d’une mort annoncée ? Politiques et Management public, 29 (4), pp.671 - 693.

Garaudel, P., Laurent, A., Schmidt, G., & Eynaud, P. (2022). Between State and Market : Specific forms and motives of Inter-Organizational Restructurings in the French nonprofit field. Management International, 26(4), 29‑51.

Gardin, L., & Jany-Catrice, F. (Eds.) 2016. L’économie sociale et solidaire en coopérations. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Glémain, P. (2020). La gestion financière des associations face aux marchés. Pour une “autre” réddition comptable. Finance Contrôle Stratégie, (NS-10).

Honneth, A. (2008). La société du mépris. La Découverte.

Kleszczowski, J., & Raulet‐Croset, N. (2022). Evaluating social impact in practice: Constructing a response to institutional demand in a French nonprofit organization. Annals of Public and Cooperative Economics, 93(2), 357-380.

Kleszczowski, J., & Raulet-Croset, N. (2025). L’impact social dans les organisations solidaires : Valeurs et pratiques d’évaluation. ISTE.

Lallemand-Stempak, N., & Eynaud, P. (2022). Vers une autre gestion (No. hal-03795101).

Laurent, A., Garaudel, P., Schmidt, G., & Eynaud, P. (2020). Civil Society Meta-organizations and Legitimating Processes : The Case of the Addiction Field in France. VOLUNTAS: International Journal of Voluntary and Nonprofit Organizations, 31(1), 19‑38.

Laville, J.-L. (2009). Management et régulation dans les associations. Connexions, 91, 149-161.

Laville, J.-L. (2019). Réinventer l’association : Contre la société du mépris. Desclée De Brouwer.

Lethielleux, L., & Valéau, P. (2023). La gestion des ressources humaines dans les organisations de l’économie sociale et solidaire : Les valeurs à l’épreuve des pratiques. Vuibert.

Maignan, M., Arnaud, C., & Chateau Terrisse, P. (2018). La gestion des tensions organisationnelles dans les coopératives multisociétaires à vocation sociale: Le cas d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif dans le secteur du logement social. Management international, 22(2), 128-143.

Maisonnasse, J., Petrella, F., & Richez-Battesti, N. (2019). Préserver le sens dans les organisations de l’économie sociale et solidaire: quels outils de gestion?. RIMHE: Revue Interdisciplinaire Management, Homme (s) & Entreprise, (1), 3-29.

Michaud, V. (2014). Mediating the paradoxes of organizational governance through numbers. Organization Studies, 35(1), 75-101.

Rousseau, F. (2007). Réapprendre à conter: Genèse d’un entrepreneur social. Gérer et comprendre, 87, 23.

Saniossian, J., Lecocq, X., & Beaucourt, C. (2022). Meta-Organizations in the Making. A Multiple Case Study of Multi-Stakeholder Meta-Organizations for Social Innovation. M@ n@ gement, 25(2).

Shanahan, G. (2024): “Two routes to degeneration, two routes to utopia: The impure critical performativity of alternative organizing.” Organization,online first.

Valéau P. (2013), La fonction RH dans les associations : les valeurs militantes à l’épreuve de la professionnalisation, Revue Internationale de l’Economie Sociale, 328, 76-94.

Vercher-Chaptal, C., Eynaud, P., Bernet, J., & Maurel, O. (2016). La gestion des associations. Editions Erès.

Wright, E. O. (2020). Envisioning real utopias. Verso Books.