Communications dans les sessions thématiques ouvertes > #20 « S'organiser pour combattre les transitions écologiques ». Regards croisés sur le « Green backlash »Contact pour soumission de communication Laure Teulières : laure.teulieres@univ-tlse2.fr Jean-Michel Hupé : jean-michel.hupe@cnrs.fr Steve Hagimont : steve.hagimont@sciencespo-toulouse.fr
Cadrage et objectif de la session Le succès électoral croissant des droites et extrêmes-droite européennes et américaines s’est appuyé sur des programmes ouvertement anti-écologiques. Ces dernières années, nombre de situations et d'événements ont montré la difficulté de mettre en œuvre une transition écologique à la hauteur des enjeux sans que cela ne suscite de puissants retours de bâton et,contrecoups. D’où l’importance de revisiter la notion de « green backlash », travaillée aux Etats-Unis depuis les années 1980, mais qu’il convient d’actualiser au regard des tendances de fond actuelles. L’aggravation des ravages environnementaux et leur caractère systémique sont bien documentés, les indicateurs sont nombreux, des seuils d’irréversibilité et des points de bascule sont atteints ou proches de l’être : pollutions, changement climatique, dilapidation de ressources minérales, disparition d’espèces, artificialisation des sols, cycle de l’azote, du potassium et du phosphore, etc. Le niveau global de concernement et de formation sur ces enjeux augmente incontestablement, les alertes se multiplient, et pourtant les trajectoires des sociétés industrielles ne subissent que des inflexions marginales, marquées par un surcroît d’extraction de ressources. L’inertie des agencements économiques, politiques, sociaux, culturels et écologiques produits par le capitalisme industriel explique partiellement la faiblesse des actions engagées. Voulant saisir les forces actives de conservation de cet héritage, cette proposition de session entend documenter et cartographier un ensemble d’arguments, d’interventions, de stratégies, d’institutions en opposition, voire de franche obstruction aux transformations écologiques. Dans ce qui pourrait s’apparenter à une actualisation écologique de la tripartition politique progressistes/réactionnaires/conservateurs, un recadrage massif s’opère, à la fois discursif et interprétatif, de la crise écologique, avec la promotion de contre-solutions régressives (parfois Voilà ce que le panel de chercheurs et chercheuses cherchera à approcher. Il s’agirait d’analyser les effets complémentaires de green backlash, venant de loin et désormais de plus en plus affirmés, qui brouillent encore un peu plus le débat public et l’action collective. En remontant aux matrices idéologiques et pratiques d’un anti-écologisme assumé, en suivant les formes d’actualisation d’un corpus de clichés, en allant au plus près des acteurs et en faisant varier les échelles de compréhension, les différentes contributions permettront de mettre en perspective les tendances à faire de l’écologie le bouc-émissaire des difficultés actuelles (sortie politique de la crise agricole du début 2024 et directives « omnibus » en Europe, premières semaines du deuxième mandat de Donald Trump, etc.) – jusqu’à rendre l’écologisation de nos sociétés plus insupportable que le désastre écologique lui-même, voire à dresser les écologistes en responsables des désastres actuels. Il ne s’agit pas seulement d’analyser des discours, mais de déployer une réflexion d'écologie politique sur les verrous et les mécanismes : les processus sociaux ou relevant du fonctionnement de l'action publique, les décisions et les dispositifs, les jeux d'acteurs et forces sociales en cause... La session se propose d’étudier les cas et les secteurs où s’assume l’inertie et les impasses face aux enjeux environnementaux, où progresse un recadrage massif de la crise écologique pour promouvoir des contre-solutions. En remontant aux racines historiques de ces courants et au moment d’émergence du green backlash des années 1970-1980, en réponse à la pression critique autour des thématiques d’environnement, les intervenants pressentis, ayant participé à un ouvrage collectif sur le green backlash publié aux éditions du Seuil en septembre 2025, prendront soin de faire apparaître les contextes et les milieux d’émergence de ces contrecoups réactionnaires pour établir des éléments de comparaisons et de divergences avec ce qui se produit aujourd’hui. La lutte anti-écologique sera envisagée à l’emboîtement de plusieurs échelles – locale, nationale (avec focus depuis le cas français), continentale (avec le rôle très ambivalent de l'UE), mondiale – tout en faisant attention aux temporalités – avancées timides versus reculs significatifs, certains médiatisés, d'autres non. Les contributions veilleront à ne pas éluder la manière dont un certain écologisme a pu également parfois susciter lui-même des contrecoups par sa mise en discours et en acte insuffisante ; à ne pas omettre non plus que le cadrage de l’enjeu environnemental, autrement dit les modalités de construction de l’écologie en problème public, et les politiques qui en ont découlé ont pu nourrir et faire monter de telles réactions. Ces mécanismes et ces procédés repoussent la mise en débat politique des questions écologiques, constamment éludées, déniées, dessaisies, jamais réellement centrales, et dont les porteurs sont menacés par la création de nouveaux dispositifs de contrôle et de répression chaque fois qu’ils deviennent menaçants (à l’exemple de la cellule Demeter en France). Les mettre au jour doit a contrario souligner l’articulation constante de l’écologie et du social, ainsi que les enjeux de justice environnementale, de mobilisation et d’appropriation démocratique.
Références Berlan Aurélien, Carbou Guillaume, Teulières Laure, Greenwashing : manuel pour dépolluer le débat public. Paris, Éditions du Seuil, 2022. Bourg Dominique, Au cœur des années affreuses, sales et méchantes. Journal éco- philosophique 2019-2023, Paris, PUF, 2023. Buu-Sao Doris, Le capitalisme au village. Pétrole, État et luttes environnementales en Amazonie, Paris, CNRS Éditions, 2023. Darian-Smith, Eve, « The Challenge of Political Will, Global Democracy and Environmentalism », Environmental Policy and Law 54, no 2-3, 1er janvier 2024, p. 117-26. https://doi.org/10.3233/EPL-239023. Hardy Quentin, de Jouvancourt Pierre, « Y a-t-il un ‘danger écologique’ ? Disqualifier l'écologie et réhabiliter le progrès par l'innovation dans le champ médiatique français (2005- 2017) », in Daniel Compagnon, Arnaud Saint-Martin (dir.), « La technique y pourvoira ! », Paris, Maison des Sciences de l'Homme, Socio, n° 12, avril 2019. Will Smith, « Climates of control: Violent adaptation and climate change in the Philippines », Political Geography, 99 (2022), 102740. Tallent Théodore, Backlash écologique : quel discours pour rassembler autour de la transition ? Rapport pour la Fondation Jean Jaurès, avril 2024 |
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